MGR ANDRE LACRAMPE : EVEQUE ET CYCLISME !

L'INVITÉ. Mgr André Lacrampe, un fidèle de l'étape.

Pour Mgr André Lacrampe, évêque d'Ajaccio, le Tour de France évoque de doux souvenirs. « Enfant, je le voyais quand il traversait mon village des Pyrénées. Adolescent, avec les copains, nous allions sur les pentes des cols d'Aubisque ou du Tourmalet. Parfois, j'ai passé la nuit au sommet de l'un ou l'autre dans une ambiance colorée. Basques et Bigourdans, Espagnols et Français étaient au rendez-vous des géants de la route. Que de visages marqués par l'effort et radieux dans la victoire ! Plus tard, je me suis trouvé sur la route du Tour, invité par mon ami Jacques Chancel. Dans sa voiture, c'était un rendez-vous annuel, pour suivre une belle étape de montagnes dans les Pyrénées. J'ai eu souvent ce privilège !

Surprise pour les journalistes de trouver un évêque sur l'étape. J'ai souvenir de discussions avec Raphaël Geminiani, Michel Drucker sur la foi, l'institution-Église, avec Jean-Paul Olivier et le regretté Robert Chapatte. Nous évoquions Mgr Théas accueillant le Tour à la Grotte de Massabielle, le matin d'une grande étape pyrénéenne avec cette invitation : « Dans la vie, il faut s'élever, s'élever », et au milieu du peloton, un coureur davantage rouleur que grimpeur de rétorquer : « Il n'y en a que pour les grimpeurs ! » Le Tour a souvent fait étape à Lourdes. J'ai souvenir d'un passage dans les sanctuaires et le peloton des coureurs saluant les malades sur l'Esplanade. Quel beau témoignage de fraternité et de délicate attention à leur égard !

Il n'est pas rare de voir des signes chrétiens exprimés dans le sport comme celui de ce vainqueur basque de l'étape en solitaire, au sommet du Hautacam, faire le signe de la croix, geste non innocent mais qui ne laisse pas indifférent. J'ai félicité le champion après les cérémonies d'usage et il m'avoua avoir rendu grâce à Dieu pour l'effort consenti et pour le plaisir donné aux spectateurs présents et surtout à ses compatriotes.

Le sport apporte une contribution valable à l'entente pacifique entre les peuples. Il véhicule des valeurs importantes comme la loyauté, la persévérance, l'amitié, le partage, la solidarité. Que le Tour de France continue d'offrir longtemps encore le goût de la rencontre et de la fête ! »

                  article rédigé pour la revue : La Croix 10/07/03

    Mgr André Lacrampe, un passionné du Tour. CYCLISME. Né dans les Pyrénées, l'évêque d'Ajaccio était invité hier à venir suivre la grande étape de montagne entre Dax et Hautacam. Une véritable aubaine pour celui qui, depuis des années, est un passionné de vélo. LOURDES, reportage de notre envoyé spécial.

Hier matin, Mgr André Lacrampe était aux anges. Il allait revoir ses Pyrénées. L'évêque d'Ajaccio est né dans un petit village près d'Argelès-Gazost. Il a vu construire cette route sinueuse qui monte à Hautacam, terme de la dixième étape du Tour, après déjà les cols de Marie-Blanque, du Soulor et d'Aubisque. Il se revoit adolescent, camper sur ces pentes ou sur celles du Tourmalet lorsque le Tour passait par là.

Il revoit aussi les champions qui ont bercé les rêves de son enfance, les Charly Gaul, l'ange de la montagne qui aimait la pluie, ou Federico Bahamontès, l'aigle de Tolède, autre virtuose au regard fier, dont les yeux étincelaient d'un éclat particulier lorsque le thermomètre était à la canicule... C'était à la fin des années 50, des temps déjà anciens. Mais les conditions atmosphériques font toujours la légende du Tour. Hier, les Pyrénées avaient donc revêtu leur manteau de pluie, comme par un fait exprès pour que les suiveurs se concentrent sur la course et pour rendre les efforts des grimpeurs encore plus héroïques et la douleur du gros du peloton encore plus pathétique.

Mgr Lacrampe n'a rien perdu de ses émerveillements pour les grands et les petits coureurs, pour leur courage, leur obstination, leur ténacité. « Il y a une élévation d'âme qui se manifeste, souligne-t-il. Et puis ce sport est une école de la vie pour celui qui sait le pratiquer, qui sait l'honorer. »

« On ne peut pas jouer avec la santé des hommes »

Peu lui chaut que le sport ait tellement changé ; que la célèbre voix de Georges Briquet, qui a fait rentrer la course dans tous les foyers et raconté le quotidien des villages traversés avec une infinie tendresse, ait laissé le micro à la télévision. Le dopage ? Ce n'est pas uniquement dans le cyclisme. « Mais la nature humaine, c'est la nature humaine. On ne peut pas jouer avec la santé des hommes. C'est pour cela que le contrôle médical s'impose. »

Le modernisme ? Bon connaisseur, Mgr Lacrampe rappelle qu'elle est loin l'époque où Eugène Christophe réparait seul sa fourche dans une forge du Tourmalet. C'était dans les années 20.

« Le sport reste aussi beau », juge-t-il cependant d'une pièce.

Rien, de toute évidence, n'en dissuaderait Mgr Lacrampe : le Tour de France produit du sens pour la société. « C'est très important, dit-il, que l'Eglise ne soit pas absente de ce monde-là. » Pas facile cependant de sonder les coeurs. Du reste, Mgr Lacrampe demeure prudent devant les signes de croix des coureurs lorsqu'ils prennent un départ, ou leur appel à Dieu quand tout va mal, qu'ils ont les jambes en flanelle, qu'ils manquent de souffle ou qu'ils ont le coeur sur les lèvres. Bref, quand ils souffrent sur le vélo.

« C'est soit une demande de protection, soit un besoin de mettre Dieu dans sa vie », observe André Lacrampe. Qui relève que le Tour de France a souvent été une terre de mission. Il raconte. Une année, à Lourdes, Mgr Théas avait reçu les coureurs dans la Grotte pour une méditation. Une autre année, le Tour de France avait traversé le sanctuaire au milieu des malades. Le passage s'était fait dans un très grand silence et un très grand recueillement. « Ceci pour dire, reprend Mgr Lacrampe, que la nature humaine est ainsi faite d'étapes, dont certaines de souffrance. Le monde du sport est également éprouvé. »

Sur l'Aubisque, hier en milieu d'après-midi, les coureurs du Tour sont passés devant les sanctuaires dédiés à Notre-Dame des Neiges. Il ne neigeait pas encore mais c'était à peine mieux : il pleuvait dru. Notre-Dame des Neiges ? « C'est une fête que l'on célèbre chaque année, le 5 août, en Corse, à Bavella. » Mgr Lacrampe n'a qu'un souhait : que le Tour de France fasse un jour étape dans les montagnes de Corse.

                  article rédigé par Jean-Marie Safra pour la revue : La Croix 11/07/00